"Dans les prochains mois, La pénurie de bois en europe devrait se résorber"
Les menuisiers jouent un rôle clé dans la promotion du bois local
Ces derniers mois, notre secteur a été confronté à une pénurie persistante de bois et à la hausse des prix de ce matériau. Il existe plusieurs causes évidentes à l'augmentation des prix qui affectent et influencent l'ensemble du marché du bois. Mais quelles sont les principales raisons qui expliquent cette situation? Et plus important encore: combien de temps la situation va-t-elle encore durer? Votre magazine Menuiserie s'est entretenu avec François De Meersman (secrétaire général de la Confédération Belge du Bois) et Veerle Ramael (secrétaire générale adjointe de la Confédération Belge du Bois) afin de trouver les réponses à certaines questions pressantes.
Quelles sont les raisons de l'augmentation (récente) du prix du bois de construction?
"La principale raison de la hausse du prix du bois, ainsi que des difficultés d'approvisionnement, est liée à une augmentation significative de la demande de bois sur le marché international, et notamment aux États-Unis. Par exemple, le marché américain de la construction a augmenté de 25% en très peu de temps, ce qui représente une énorme quantité de bois, puisque 90% des maisons y sont construites en bois. Dans le même temps, les volumes de bois canadien importés aux États-Unis ont diminué en raison d'une taxe imposée par le président Trump. Les États-Unis se sont donc tournés vers d'autres marchés, dont l'Europe, pour s'approvisionner en grandes quantités. Ainsi, l'Allemagne, la Scandinavie et l'Autriche ont exporté massivement vers les États-Unis. Compte tenu du volume de ces exportations, cela a inévitablement provoqué une tension croissante sur le marché européen, notamment en Belgique, tant sous la forme d'une hausse des prix que d'une disponibilité limitée des produits. Enfin, l'augmentation de la demande a également entraîné une hausse significative du prix des ressources forestières. Par exemple, le prix de l'épicéa a doublé en moins d'un an dans les forêts belges."
Quel est donc le rapport exact entre la sylviculture européenne et les récentes pénuries de bois et la forte demande américaine?
"Les forêts belges, comme les forêts européennes, sont gérées de manière durable. Cela signifie que nous ne récoltons pas plus de bois que ce que la forêt peut fournir annuellement. En moyenne, seuls 60% de l'accroissement de la forêt européenne sont exploités. Ainsi, contrairement à ce que certains pensent, la forêt européenne grandit d'année en année. Cependant, les défis ne manquent pas."
"La forêt européenne, et en particulier celle d'Europe de l'Ouest, est fragilisée depuis 2018 par d'importantes attaques de scolytes, notamment après une tempête début 2018, suivie de conditions météorologiques très sèches et chaudes dans les années qui ont suivi. Ainsi, des quantités importantes d'épicéas ont dû être récoltées au cours des trois dernières années. Dans le même temps, la politique forestière actuelle tend à promouvoir davantage les espèces de feuillus. On assiste donc à une baisse significative de la matière première résineuse. Nous espérons donc qu'à l'avenir les décideurs politiques tiendront compte des besoins d'approvisionnement de l'industrie du bois belge, principalement basée sur les essences de résineux. Pour information, en 2020, les scieries belges ont consommé 2,7 millions de m³ de bois résineux et seulement 270.000 m³ de bois feuillus."
La pénurie de bois de marché sera-t-elle bientôt résolue ou devons-nous l'envisager sur le long terme?
"Les dernières données indiquent une baisse des prix sur le marché américain. Nous pouvons donc nous attendre à ce que la situation sur le marché européen se rétablisse progressivement dans les mois à venir. Toutefois, de nombreux autres facteurs externes sont à l'origine de cette situation. Les choses pourraient donc changer rapidement dans un sens ou dans l'autre."
"On ne peut que conseiller aux entreprises du secteur de la construction de consulter régulièrement leurs fournisseurs, les négociants en bois, afin de se tenir au courant de la situation. La seule certitude est que nous nous dirigeons vers un nouvel équilibre avec probablement un effet de rattrapage des prix qui avaient peu évolué ces dernières années."
"Nous espérons qu'à l'avenir les décideurs politiques tiendront compte des besoins d'approvisionnement de l'industrie du bois belge"
Quels sont les facteurs externes dont vous parlez?
"Il existe de nombreuses autres causes aux problèmes actuels de notre secteur. Beaucoup ont profité des confinements pour rénover leur maison ou embellir leur jardin. Dans le même temps, le contexte des confinements a paralysé certaines entreprises, tandis que d'autres ont dû arrêter leur production en raison du manque de personnel. Les stocks étaient donc très bas, ce qui a creusé l'écart entre l'offre et la demande. D'autre part, le coût du fret maritime a explosé au cours de la même période et le secteur des transports a été confronté à des problèmes sans précédent de disponibilité des conteneurs."
Le passage à un bois plus local est-il une solution possible?
"Il est certain que l'utilisation du bois local présente de nombreux avantages, notamment d'un point de vue environnemental car nous réduisons considérablement le transport des produits. Toutefois, il faut savoir que les forêts belges ne produisent pas assez de bois pour répondre à la consommation belge. Une part d'importation reste donc nécessaire. Mais il est clair que certains types de produits issus des forêts belges pourraient être plus valorisés localement, comme les essences feuillues. Or, à l'heure actuelle, une part importante est exportée vers l'Asie sous forme de grumes."
"Sur notre marché, la disparition des transformateurs locaux (scieries) est également réelle. Notre enquête nationale sur l'état du secteur des scieries en Belgique, dont les résultats seront publiés sur notre site Internet dans le courant du mois de septembre, l'illustre parfaitement. L'exportation de grumes sans aucune transformation locale est une aberration à la fois économique, sociale et environnementale. En exportant du bois de cette manière, nous détruisons des emplois locaux, nous minons l'économie en termes de revenus indirects, nous privons l'industrie du bois belge d'une ressource précieuse et nous réduisons le bénéfice environnemental en émettant des tonnes de CO2 pour le transport à l'autre bout de la planète. Il est donc essentiel de sensibiliser les décideurs politiques, mais aussi les utilisateurs, à ces questions. Dans ce contexte, les menuisiers, comme les autres professionnels du secteur, ont un rôle de premier plan à jouer dans la promotion du bois local. Pour le bien de tous."
"L'exportation de grumes sans aucune transformation locale est une aberration à la fois économique, sociale et environnementale"
Le choix d'essences de bois alternatives, est-il une consolation à court terme?
"Il existe une multitude d'essences de bois pour différentes applications. Nous conseillons à tous les utilisateurs de contacter leur spécialiste du bois pour déterminer, en fonction de l'utilisation prévue, quel produit du bois peut être utilisé, mais aussi les alternatives possibles. Nous pensons bien sûr aux essences de bois moins courantes, mais aussi aux nouveaux produits du bois. On oublie trop souvent que les négociants en bois sont aussi des conseillers et qu'ils peuvent vous aider à trouver des solutions à vos problèmes, voire vous faire économiser de l'argent grâce à leurs conseils avisés. Pour les conseils techniques, vous pouvez bien entendu aussi vous adresser à Hout Info Bois."
Les menuisiers peuvent-ils informer le client des augmentations de prix et les intégrer dans le devis? Quelles sont les recommandations actuelles?
"Les professionnels du secteur auront sans doute remarqué ces derniers mois que les offres des négociants en bois ne pouvaient être garanties à long terme. Malheureusement, personne ne peut prédire les fluctuations, tant les facteurs qui influencent les prix sont nombreux et variés (voir plus haut). Nous recommandons donc aux menuisiers de se couvrir auprès des clients en incluant une clause de révision du prix des matériaux dans les offres."
Les négociants en bois ont eu le temps de s'adapter à la situation. Est-ce qu'aujourd'hui encore, nous manquons de bois pour honorer le carnet de commandes?
"Il faut bien comprendre que les négociants en bois ne sont eux aussi qu'un maillon de la chaîne. De nombreux négociants en bois ont exploré des voies alternatives pour tenter d'aider leurs clients. Bien sûr, à l'impossible nul n'est tenu, mais il est clair que rester fidèle à un fournisseur en ces temps difficiles a souvent porté ses fruits. La bonne nouvelle, c'est que les choses semblent s'améliorer."
La pensée circulaire a fait l'objet d'une attention accrue ces derniers temps. Dans quelle mesure cela affecte-t-il le bois de construction, selon vous?
"Dans le domaine du matériau bois, la diversité des produits et des innovations du secteur est telle que les possibilités de réduction des 'pertes de matière' sont réelles. Pensons par exemple aux techniques d'aboutage, au lamellé-collé, au KVH ... Ces innovations permettent de valoriser au mieux la qualité du bois en produits à haute valeur constructive. En outre, le bois est un matériau particulièrement intéressant en termes d'économie circulaire. En effet, avec le bois, il n'y a pas de déchets, seulement des sous-produits qui peuvent être réutilisés pour d'autres applications: par exemple, dans la production de panneaux à base de bois, de pâte à papier, mais aussi de combustible. Ces derniers mois, par exemple, plusieurs de nos membres ont travaillé avec des designers sur un projet d'économie circulaire visant à promouvoir les sous-produits du bois. L'idée est de stimuler l'innovation dans ce domaine de travail."
Existe-t-il réellement un organisme de contrôle européen qui réglemente les marchés et veille à ce qu'un certain pourcentage de la production européenne reste en Europe?
"Malheureusement, un tel mécanisme de régulation des exportations au niveau européen n'existe pas à ce jour. L'Europe a choisi la libre circulation des produits et des marchandises, et le libre-échange. Cependant, le secteur des scieries de feuillus réclame depuis des années une réglementation des exportations de grumes de feuillus non transformées vers l'Asie, et en particulier vers la Chine, mais jusqu'à présent, aucune mesure n'a été prise au niveau européen pour limiter efficacement ces exportations. En Europe, de plus en plus de voix s'élèvent dans ce sens, mais sans résultat pour l'instant."
"En raison des récents problèmes d'approvisionnement, des fédérations allemandes de la construction se sont également vues refuser leurs demandes de limitation des exportations afin de maintenir la matière première sur le marché local. Pendant ce temps, d'autres pays, comme la Russie, ont récemment interdit l'exportation de bois non scié."
Comment les menuisiers peuvent-ils anticiper davantage la situation actuelle?
"La crise sanitaire aura eu un impact important sur de nombreux secteurs. Malheureusement, personne n'aurait pu prédire un développement aussi rapide et une telle volatilité. Il est donc très compliqué de l'anticiper. Notre conseil: investissez dans une relation de confiance à long terme avec vos fournisseurs, faites appel à l'expertise des négociants en bois, communiquez de manière transparente avec vos clients et suivez de près l'actualité du secteur."
Plus d’infos:
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LinkedIn : Confédération Belge du Bois
