Les panneaux solaires, de plus en plus vers un rendement optimal
Entretien avec le chercheur de haut niveau Bart Vermang
Notre pays peut s’appuyer sur de superbes lettres de noblesse académiques quand il s’agit de l’étude des cellules solaires. L’un de ses champions est le prof. dr. Bart Vermang. Votre revue professionnelle a su le persuader de donner une vision exclusive de l’avenir de l’énergie solaire.
recherche chez UHasselt,
imec et EnergyVille
Bart Vermang est actif dans plusieurs entités. Le pilier académique de ses recherches se situe à l’Université de Hasselt, où il enseigne. Par ailleurs, il est affilié à IMO-IMOMEC, l’institut de recherche intégré de l’UHasselt et imec, où l’aspect recherche de son travail est plus présent.
Vermang: ”Chez IME, l’applicabilité pratique est un peu plus mise en avant. Notre recherche doit être applicable dans le marché, tout de même dans un certain délai. De plus, IMEC a son labo dans chaque université flamande, qui travaille à Hasselt sous le vocable IMOMEC. Je travaille donc en fait aussi pour cette organisation. Enfin, je travaille aussi pour EnergyVille. Cette organisation a été fondée en 2014 à l’occasion de la fermeture de Ford Genk. Comme il a été évalué à l’époque que l’énergie deviendrait l’un des thèmes sociaux les plus importants, on a estimé qu’on avait besoin d’un institut qui mènerait des recherches notamment sur les batteries et l’énergie renouvelable. Les diverses recherches se chevauchent beaucoup.”
Seulement 3% d’Energie solaire dans le monde
Electricien: quelle est votre prédiction pour l’énergie solaire à long terme?
Bart Vermang: “A l’échelle mondiale, nous n’en sommes qu’au début du boom de l’énergie solaire. Aujourd’hui, plus de 600 GWp sont installés dans le monde. Cela semble beaucoup, mais il ne s’agit que de 4% de la production totale d’énergie électrique. Mais tous les modèles prévoient une croissance exponentielle, pouvant atteindre 60 à 70% de la consommation mondiale totale. Dans ce cas, on devra installer des terawatts de panneaux solaires, un ordre de grandeur totalement différent de ce qui est aujourd’hui présent. Je n’enterrerais pas encore le PV; les installateurs peuvent dormir sur leurs deux oreilles: il faudra encore installer pas mal d’énergie solaire. Cette croissance exponentielle avait aussi un côté sombre pour les producteurs. Pour eux, il était difficile dans la période entre 2010 et 2015 d’estimer la demande du marché et de satisfaire à la demande croissante. A ce moment-là, nous avons vu apparaître de nombreux rachats et faillites. Depuis, le calme est revenu.”

rendement maximal thEorique
Electricien: le rendement maximal d’une cellule solaire de silicium oscille autour de 25%. Où en sommes-nous à l’heure actuelle?
Vermang: “Prenez le spectre du soleil qui nous atteint, et opposez-y l’output électrique maximal, il serait même possible d’arriver à 30% en théorie. Il convient également de tenir compte de quelques pertes, comme la recombinaison, les pertes d’ombre et de connexion. Par ailleurs, le silicium est un semi-conducteur, qui ne peut convertir qu’une partie des photons lumineux incidents en électrons utilisables, en fonction du propre spectre que peut capter la cellule solaire. De plus, il y a une perte de conversion des électrons en électricité, qui s’exprime en perte de chaleur. Ces 25% sont donc corrects dans la pratique. Remarquez que cette limite vaut pour les cellules solaires ‘single junction’ traditionnelles. Single junction signifie qu’on utilise seulement un matériau, par exemple le silicium. Cette technologie est aujourd’hui mature. Certaines méthodes de production – comme les panneaux IBC de Sun Power – se situent déjà entre 22 et 23%. Elles vont déjà plus loin que la cellule solaire de silicium traditionnelle. Elles utilisent par exemple le silicium de type N, pas le type P omniprésent. C’est plus rare, si bien qu’elles ont dû pas mal investir dans la recherche. Cela explique aussi les différences de prix.”
Electricien: existe-t-il d’autres manières de booster le rendement?
Vermang: “Les entreprises avec les plus grandes efficacités ne représentent qu’une très petite partie du marché. De l’autre côté du spectre, nous voyons la production en série très bon marché aux rendements souvent à l’avenant. Mais heureusement, un très grand groupe s’y intercale et étudie d’autres méthodes de production pour augmenter le rendement, comme PERC (Passivated Emitter and Rear Cell), PERL (Passivated Emitter Rear Locally-diffused), PERT (Passivated Emitter Rear Totally Diffused) et TOPCON (Tunnel Oxide Passivated Contact). L’utilisation de cette technologie à grande échelle et avec un bon rapport coût-efficacité fait l’objet de nombreuses recherches. Le défi consiste à adapter la méthode de production de la cellule solaire standard traditionnelle pour améliorer le rendement. Nous voyons que de très grands producteurs de panneaux solaires développent aussi des panneaux avec PERT, PERC ou PERL. Ces technologies représentent environ un quart du marché.“
Plusieurs procédés
Il existe divers procédés pour booster le rendement des panneaux PV. La plupart des méthodes de travail essaient de limiter ce qu’on appelle les pertes de recombinaison. Lorsque les électrons et les trous se rencontrent (par exemple sur des défauts dans la structure cristalline) avant de quitter la cellule solaire, ils peuvent se recombiner. L’énergie résultante est perdue et ne peut donc pas être convertie en électricité. Une voie souvent suivie consiste à travailler avec un émetteur passivé. Peu à peu, nous voyons ici aussi que les producteurs évoluent vers le silicium de type N. Petit à petit, le choix semble donc fait. Un bref aperçu:
PERC et PERL

Dans le PERC (Passivated Emitter and Rear Cell), on applique au verso d’une cellule solaire une couche de passivation (oxyde, par exemple Al2O3) avec des ouvertures pour le contact. Le pourcentage de la couche de passivation est très élevé: >95% de la surface totale. De cette manière, on évite pas mal de recombinaison à la surface et les chances de voir le photon libérer un électron, et produire ainsi de l’électricité, sont considérablement augmentées.

PERL (Passivated Emitter Rear Locally-diffused) est souvent prononcé dans un seul souffle avec la méthode PERC. Bien qu’il existe de petites différences de construction – avec des contacts locaux hautement dopés – entre les deux méthodes, elles appartiennent clairement à la même famille qui fonctionne sur la base du diélectrique comme couche de passivation.
PERT
PERT (Passivated Emitter Rear Totally Diffused) est aussi parfaitement en phase avec ses frères PERC et PERL, en fait. Ici aussi, on utilise une couche de passivation. La principale différence est le verso des cellules solaires, grâce à un autre processus de production, elles reçoivent dans le PERT une surface diffuse, si bien qu’elles souffrent moins de dégradation et peuvent être utilisées pour des panneaux bifaciaux.

TOPCON
TOPCON (Tunnel Oxide Passivated Contact) est une innovation plutôt récente. C’est un peu une combinaison de la technologie des types PERL PERT PERC, mais avec l’ajout de certaines améliorations. Dans cette méthode, les contacts au verso des cellules ne se situent pas dans un canevas fixe, mais elles sont plutôt réparties de façon diffuse, ce qui permet de traiter davantage de photons lumineux.
Film mince
Parmi les cellules solaires à film mince, nous trouvons une grande gamme de techniques, comme les panneaux CIGS et CdTe. Ils sont populaires dans le BIPV. Ces techniques fonctionnent de façon complètement différente des cellules solaires à base de silicium traditionnelles. Le processus de production permet de créer une couche de cellules solaires très fine. Les cellules solaires à film mince ont longtemps eu la réputation de délivrer un rendement moins bon et d’être nettement moins écologiques par l’utilisation notamment de cadmium dans certaines exécutions, mais on a accompli de gros progrès ces dernières années. Ici aussi, de nombreuses recherches sont encore en cours..
HIT
Sur les panneaux du type HIT (Jonction hétéro) se trouve une mince couche de silicium amorphe sur les côtés extérieurs du collecteur solaire. Ce faisant, on perd moins d’électrons, car une plus grande partie du spectre peut être utilisée. Ceci permet d’obtenir une tension élevée. Ici, il s’agit littéralement d’une combinaison d‘un panneau monocristallin avec la technologie à film mince. La surface du collecteur solaire dispose aussi d’une structure pyramidale. Ce faisant, la lumière solaire se réfléchit mieux et on perd moins de rayonnement. Du reste, c’est aussi le cas avec PERT, PERC et PERL. Le silicium est un mauvais absorbant et a toujours besoin d’une optimisation optique. Le film mince ne connaît pas ce problème.
Technologie de back contact (Sunpower)
Les cellules solaires type back contact (Sunpower) fonctionnent sur la base de la conductibilité du vecteur métallique au verso, si bien qu’un quadrillage métallique n’est pas nécessaire au recto. Tous les contacts se situent donc au verso. Dès lors, il n’y a plus d’ombre au verso, ce qui permet de garder un courant très élevé. Actuellement, on étudie aussi la combinaison de cette technologie avec la technique de jonction hétéro. Dans des conditions de laboratoire, on a déjà atteint un rendement de 26,7%.
Metal wrap through
Chez les cellules solaires du type metal wrap through, en pratiquant des ouvertures minimes dans la cellule solaire, les contacts peuvent passer du recto au verso. Ceci permet de produire des cellules solaires très esthétiques. La technique peut être combinée avec la technologie PERT PERL PERC précitée.

PID et rendement
Electricien: pourquoi acheter un panneau plus cher? Le gain de rendement limité justifie-t-il le supplément?
Vermang: “Pendant des années, l’accent des producteurs était mis surtout sur le rendement. Dans les premières années de la hausse – à partir de 2008, on s’est peu soucié des influences négatives. Je pense par exemple à la PID (Potential Induced Degradation) et à la LID (Light Induced Degradation). Dans la recherche, nous observons que bon nombre de ces panneaux accusent une baisse de rendement au fil du temps. Nous voyons que les nouveaux panneaux sont typiquement exempts de PID et LID, parce que les producteurs et centres de recherche ont déplacé leur accent. Si l’efficacité est importante, la construction interne du module et du système complet l’est aussi. Et le plus souvent, les producteurs sont les pionniers de la recherche et commercialisent aussi les panneaux les plus qualitatifs. Il y a donc un lien entre le prix d’un panneau et la qualité totale.”
HydrogEne
Electricien: plus tôt cette année, il y avait beaucoup à faire autour du panneau à hydrogène de Leuven. Remplaceront-ils les panneaux traditionnels à terme?
Vermang: “Je ne pense pas que l’hydrogène remplacera à terme le PV, mais que les deux coexisteront. L’hydrogène est un vecteur, tout comme l’électricité. Son potentiel s’exprime surtout dans les véhicules et comme électricité. Mais l’hydrogène connaît quelques avantages et inconvénients spécifiques. Songez p.ex. à la sécurité. En outre, l’infrastructure pour l’électricité est déjà totalement présente, ce n’est pas encore totalement le cas pour l’hydrogène. Dans les 10 à 20 prochaines années, je vois les deux coexister. Nous suivons avec attention ces évolutions, comme les résultats des collègues de Leuven avec leur panneau à hydrogène. Notre expertise nous permettrait d’apporter une jolie contribution, p.ex. doter les cellules solaires de silicium de trous minuscules pour qu’elles agissent en quelque sorte comme catalyseur. Ceci permet de séparer l’hydrogène de l’eau. Nous avons déjà examiné dans quelle mesure ceci peut fonctionner à l’échelle industrielle, et poursuivons nos recherches.”

BIPV
Electricien: l’intégration du PV dans les bâtiments arrive. L’énergie solaire évolue-t-elle vers le plug & play?
Vermang: “Je le vois vraiment comme l’avenir. L’Europe demande de rendre nos bâtiments neutres en énergie, et de préférence au plus vite. Dans notre pays, ceci s’exprime par la réglementation PEB. Si nous voulons une valeur 0, il faut une pompe à chaleur ou une installation PV. Mais une installation PV n’est pas toujours la solution la plus esthétique.

Il existe déjà des solutions intermédiaires telles que des panneaux noirs ou des panneaux de toit intégrés. Mais avec le BIPV, nous évoluons réellement vers une double fonction: panneau solaire et élément constructif. Cela peut avoir d’importantes répercussions pour l’électricien. Les éléments constructifs sont placés au début du processus de construction. Le timing est différent de celui avec les panneaux solaires actuels, placés par la suite. D’autres facteurs entrent en compte comme la réglementation. Si les panneaux reçoivent la fonction d’élément constructif, ils doivent aussi satisfaire aux exigences et normes pour le type d’élément constructif. Enfin, le BIPV sera le plus souvent plug & play. De grandes entreprises de cellules solaires produisent de grands éléments de toit à enficher. Les producteurs existent, le prix évolue dans la bonne direction et le rendement est OK. Il reste à attendre la percée à grande échelle.”